Une erreur sur l’étiquetage d’un insecticide a conduit à un accord financier entre le laboratoire fautif et une quinzaine d’exploitants. Le parquet de Beauvais va lancer des investigations.
LA JUSTICE S’INTÉRESSE de près aux centaines d’hectares de blé fauchés avant maturité, dans l’Oise. Une enquête va en effet être ouverte par le parquet de Beauvais à la suite de la destruction de 357 ha sur les communes de Milly-sur-Thérain, Lihus et Wacquemoulin au printemps dernier. A l’origine de cette destruction une erreur d’étiquetage sur des bidons de Droïd, un herbicide du géant américain Dow AgroSciences, laboratoire de produits phytosanitaires.
Des produits interdits en France
Dans l’Oise, une quinzaine d’exploitants agricoles s’étaient vu contraints de faucher des blés encore verts après l’utilisation du fameux produit phytosanitaire. « Ils pensaient épandre un insecticide classique mais il s’agissait en fait d’un puissant herbicide », résume Laurent Mingam, directeur de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA). Un herbicide surdosé avec huit fois plus de substances actives qu’en temps normal. Un herbicide tellement concentré qu’avec 5 litres de mélange, un cultivateur était en mesure de traiter 80 ha contre 10 habituellement.
Les produits phytosanitaires faisant l’objet d’une traçabilité sans faille, les bidons incriminés ont très vite été rappelés et les agriculteurs qui avaient déjà épandu le mélange sur leurs parcelles ont, eux, été directement contactés par le laboratoire. C’est d’ailleurs ce dernier qui a préconisé la destruction des parcelles. Des destructions qui n’ont pu se faire qu’après accord et surtout après indemnisation des exploitants agricoles. Des indemnisations qui, selon nos informations, se chiffrent en centaine de milliers d’euros. Environ 3 500 t de blé ont dû être détruites. A environ 160 € la tonne, cela représente 560 000 €. « Le problème est réglé, assure Laure. Mingam. Dow AgroSciences a évalué les préjudices subis. Ils ont même pris en charge les frais d’entretien de culture, le travail des sols et l’absence de production sur les surfaces concernées.
Autrement dit, circulez, il n’y a plus rien à voir. Sauf que la justice ne l’entend pas de cette oreille. « Qu’il y ait eu erreur d’étiquetage est une chose, mais dans le cas présent, il y a un autre problème, observe le procureur-adjoint Luc Pèlerin. Il se trouve que ces bidons de Droïd contenaient tout simplement des produits interdits en France. » Une faute reconnue par la multinationale américaine. De l’aveu même du laboratoire, aucune demande n’avait été formulée pour commercialiser le produit sur le sol français.
DAVID LIVOIS – Le Parisien – 4 Novembre 2014
Le Roso porte plainte contre le laboratoire
La justice n’est pas la seule à s’interroger sur l’utilisation du fameux herbicide dans les champs de blé du département. Le regroupement des associations de sauvegarde de l’Oise (Roso) a décidé de porter plainte contre le laboratoire Dow AgroSciences et contre son gérant. « Quelle a été la dose respirée par les agriculteurs lors de la pulvérisation ? Quel impact sur les nappes phréatiques ? Les riverains ont-ils été informés », s’interrogent les défenseurs de l’environnement dans un communiqué. « La mise sur le marché français d’un produit phyto-pharmaceutique sans avoir obtenu préalablement l’autorisation est pénalement sanctionnable, souligne l’avocate de l’association dans une lettre adressée au procureur. Or la société Dow AgroSciences a reconnu qu’elle ne bénéficiait d’aucune autorisation de mise sur le marché en France de l’herbicide contenu dans les bidons étiquetés Droïd. Elle n’a donc pas respecté les dispositions de l’article L253-1 du Code rural et de la pêche maritime, ce qui constitue une infraction pénale en vertu des dispositions des articles L253-15 et suivants du même code. »