Le commissaire-enquêteur William Castel radié pour conflits d’intérêts

De sa victoire avec Jean-Christophe Canter aux élections municipales en mars 2008 à sa défaite, toujours avec la même tête de liste, en janvier dernier, en passant par sa condamnation à 500 euros d’amende pour coups et blessures sur un militant MoDem il y a un an, William Castel a connu des hauts et des bas. En l’espace de seulement quelques mois. « En moins de trois mois, c’est comme si j’avais vécu dix ans de politique. Je suis passé par toutes les émotions possibles » résume-t-il.

Son coeur a intérêt à être solide car la série n’est visiblement pas sur le point de s’arrêter. Une nouvelle affaire le concerne. Mais cette fois, plus politiquement mais professionnellement. William Castel est commissaire-enquêteur. Un verbe à conjuguer désormais au passé puisqu’il vient d’être radié de la liste d’aptitude à cette fonction publique. Le motif ? Un conflit d’intérêts entre ce rôle et son statut d’élu. La commission, présidée par la vice-présidente du tribunal administratif d’Amiens, Martine Montagnier, a pris cette décision lors d’une réunion extraordinaire qui s’est déroulée le 20 octobre dernier.

Une première en Picardie.

Une telle décision est rare en France. Très rare. C’est même une première en Picardie. « C’est une belle victoire », réagit Didier Malé, le président du ROSO qui fédère une cinquantaine d’association de défense de l’environnement et qui est à l’origine de l’enquête.

Les commissaires-enquêteurs forment un cercle très fermé. Ils sont quatre-vingt dans le département. Et le Sensilien n’est pas des moindres puisqu’il est le président de l’association de l’Oise et fait partie du conseil d’administration au niveau régional. Il ime régulièrement se targuer d’avoir été le plus jeune commissaire-enquêteur de France. « A 29 ans », précise-t-il.

Cela fait plusieurs années que le ROSO a William Castel dans le colimateur. Avant même qu’il soit élu de Senlis. En 2002, le commissaire-enquêteur avait écrit dans son rapport sur la révision du plan d’urbanisme d’Ermenonville que l’association avait émis un avis favorable. « C’est le contraire », se souvient le président qui avait alerté les autorités préfectorales et administratives. Sans suite.

S’il a perdu son costume d’adjoint en janvier dernier, il a sauvé sa peau au conseil municipal en faisant partie des six premiers de la liste de Canter à être élus. La loi n’interdit pas à un commissaire-enquêteur d’avoir un mandat. « Mais il ne faut pas qu’il exerce sur le territoire où il est élu », précise Didier Malé. Or c’est ce qu’a fait l’intéressé en 2008 en présidant une enquête publique à Ognon, alors qu’il était membre de la communauté de communes du pays de Senlis, qui concernait ce village. Cela n’a pas échappé au ROSO qui avait signalé les faits au tribunal administratif. Mais comme l’enquête avait été rapide, l’affaire a été classée.

Raté encore cette fois? Mais le ROSO ne le lâchait pas et guettait le moindre faux pas. Ce qui a fini par arriver. D’après le point numéro 8 du code d’éthique et déontologique, « le commissaire-enquêteur s’interdit formellement de faire usage ou de mentionner sa qualité de commissaire-enquêteur à des fins professionnelles, commerciales ou électives ». Aux dernières élections municipales, puis cantonales où il était candidat, sa profession de foi fait état « d’expert en aménagement du territoire » et « expert judiciaire ». En revanche pas de trace de sa fonction de commissaire-enquêteur. Mais dans le cadre professionnel, c’est autre chose. Il met en avant ce titre et celui de « président des commissaires-enquêteurs de l’Oise ». Il ajoute avoir présidé des enquêtes publiques sur des « centre de stockage de déchets, stations d’épuration, captage d’eau, voirie… ». Voilà ce qu’on pouvait lire il y a encore quelques jours sur le site de son bureau d’études Géovision, basé à Senlis, où il est directeur-fondateur.. L’adresse est désormais indisponible.

« On veut me nuire ».

Reste que William Castel n’est sans doute pas le seul à agir de la sorte. Entre fonctions de commissaire-enquêteur et celle d’élu, il n’y a parfois qu’un pas. La preuve sur les 80 que compte l’Oise, ils sont une dizaine à avoir un mandat. Alors pourquoi ce conseiller municipal d’opposition de Senlis est-il particulièrement visé ? « Parce que son dossier est le plus complet », répond Didier Malé.

L’intéressé voit lui « une explication politique » à cette sanction professionnelle. cela fait plus d’un an et demi que le MoDem de l’Oise fonctionne avec un bureau réduit et sans président depuis le départ de Christelle Dinard à Cap 21. Et depuis les deux parties sont en conflit. Comme le prouve l’agression physique lors d’une réunion politique à Verberie il y a plusieurs mois. Mais quel rapport avec cette radiation me direz-vous ? Pour William Castel, « le ROSO est la partie submergée de l’iceberg qui veut m’atteindre et Michel Jeannerot est la partie immergée. C’est lui qui est derrière tout cela ». Ce membre de Cap 21 fait partie du conseil administratif du ROSO. « Il utilise tous les moyens pour me nuire », estime le Sensilien. Réaction du président de l’association : »Oui, il est dans le conseil d’administration. Mais au même titre que 23 autres membres. C’est une décision collective ».

En janvier prochain, la loi va changer pour les commissaires-enquêteurs. Jusque-là lorsqu’il était désigné, c’était à vie. Ce ne sera plus le cas. Ils devront dorénavant refaire une candidature tous les quatre ans. La radiation de William Castel ne concerne que l’année 2011, soit moins de 2 mois. « Je referais une demande en janvier », annonce-t-il. En attendant, il compte bien faire. Je n’ai pas l’intention de me laisser salir sans rien dire ».

Oise Hebdo – 9 novembre 2011 – A.D.